
Collections d'œuvres d'art des entreprises : élargir l'accès à l'art et créer de nouvelles opportunités pour les artistes
September 10, 2020
Ecrit par Francesca Giurato
Responsable souscription Art, Specie et Bloodstock pour l'Italie
La première collection d'œuvres d'art réunies par une entreprise a été créée en 1472 par Banca Monte dei Paschi di Siena, une entreprise familiale italienne basée à Sienne. À cette époque, collectionner des œuvres d'art était une ambition de l'élite, qui achetait ou commandait des œuvres dont elle pensait qu'elles allaient refléter, et probablement aussi élever, leur statut et leur prestige.
Depuis lors, les entreprises ont continué à constituer des collections, mais la nature de celles-ci et les objectifs qui sous-tendent ces acquisitions ont considérablement évolué. Aujourd'hui, collectionner des œuvres d'art s'inscrit à la fois dans les stratégies de responsabilité sociale des entreprises et dans les programmes de bien-être des salariés. Selon Chiara Paolino, conférencière en théorie de l'organisation à l'Université catholique du Sacré-Cœur de Milan , qui a fait des travaux de recherche sur les collections d'entreprises italiennes, « Loin d'être une simple passion ou un investissement dans l'image de marque, les collections des entreprises sont à présent largement considérées comme une amélioration de la qualité de l'environnement de travail, c'est-à-dire une amélioration qui peut directement bénéficier à la santé sociale et économique d'une entreprise. »
De plus, les collections d'œuvres d'art d’entreprises et leurs acheteurs sont désormais une force majeure sur le marché mondial de l'art et cela profite à tous les acteurs de l'écosystème artistique ; les artistes, revendeurs, consultants, évaluateurs, restaurateurs et, bien entendu, les souscripteurs d'assurance ont tous profité de la volonté des entreprises « d'améliorer la qualité de l'environnement de travail ».
Différents objectifs et approches
Les chroniqueurs reconnaissent généralement David Rockefeller comme le créateur de la logique et de l'objectif qui sous-tendent les collections d'œuvres d'art des entreprises à l'ère moderne. Cet acheteur sophistiqué à l'œil avisé pensait que les salariés et les clients devaient également pouvoir expérimenter et apprécier l'art dans leur vie quotidienne ; l'art ne devait pas être réservé seulement aux musées ou aux maisons de riches mécènes comme lui. Après qu'il eût lancé, dans les années 1950, un programme d'acquisition d'œuvres d'art dans une grande banque américaine, de nombreuses autres grandes multinationales ont suivi.
Cette pratique perdure aujourd'hui, mais avec des approches et des raisons différentes. Certaines entreprises, par exemple, allouent simplement une partie de leurs budgets d'exploitation à l'art et recrutent souvent un consultant pour décider quelles œuvres acheter et où les exposer. Pour ces entreprises, l'idée est généralement de décorer ce qui serait autrement un lieu de travail plutôt triste.
À l'autre extrémité du continuum se trouvent des sociétés disposant de budgets élevés et des acheteurs d'art dédiés qui sont des habitués du « circuit » des expositions, des ventes aux enchères et des foires à la recherche d'œuvres attrayantes. Beaucoup de ces sociétés commandent aussi des œuvres directement aux artistes. Leurs motivations ont tendance à être plus complexes et plus nuancées. Pour certaines, les collections d'œuvres d'art sont considérées comme un élément important de leur identité d'entreprise et de leur image de marque. Pour d'autres, aider et soutenir les artistes locaux est un objectif majeur.
Plus récemment, de grandes entreprises technologiques ont également commencé leurs propres collections, souvent avec une touche innovante. Une société de réseaux sociaux de premier plan, par exemple, a fondé un programme de résidences pour artistes qui commandite des artistes locaux pour collaborer avec ses salariés dans la conception et la création d'œuvres pour ses différents bureaux. À l'instar de cette société, une autre importante entreprise de Silicon Valley charge souvent des artistes locaux de créer des fresques uniques pour ses bureaux dans le monde entier, tandis que les salariés sont également encouragés à voter sur d'éventuelles nouvelles acquisitions et installations artistiques.
Bien que, comme nous l'avons dit, les acheteurs d'art pour les entreprises aient des approches différentes envers ce genre d'acquisitions, on constate une tendance notable à l'investissement dans des œuvres d'artistes vivants. Selon l'un des conservateurs d'une collection d'entreprise de longue date, par exemple, une priorité importante est de « collectionner de manière à en faire profiter les artistes plutôt que les revendeurs et les maisons de vente aux enchères ». Cette approche signifie que les artistes modernes et contemporains sont largement représentés dans de nombreuses collections d'œuvres d'art d'entreprises. Les raisons ne sont bien entendu pas purement altruistes de la part de ces entreprises et incluent probablement des considérations telles que l'esthétique, le coût et la possibilité de commander et de personnaliser des œuvres d'art d'artistes vivants.
Quoi qu'il en soit, le résultat pour les artistes vivants dont l'œuvre est acquise par les entreprises est le même. Selon des recherches sur les collections d'œuvres d'art d'entreprises néerlandaises menées par l'école d'analyse culturelle de l'Université d'Amsterdam, « de nombreuses collections d'entreprises, allant des multinationales à des organisations à but non lucratif, exposent des œuvres d'art d'avant-garde produites par des artistes qui viennent d'entrer sur le marché de l'art, augmentant ainsi les possibilités que ces derniers soient consacrés et reconnus comme partie intégrante du patrimoine culturel néerlandais ». L'étude de cette université a également révélé que les collections d'œuvres d'art d'entreprises contribuent à hauteur de 20 % à la demande d'art contemporain aux Pays-Bas. Chiara Paolino confirme les conclusions du projet : « Du point de vue de l'artiste, l'implication dans une entreprise peut entraîner d'importantes opportunités externes de vie et de croissance, puisqu'elle leur offre la liberté d'explorer l'art dans un nouveau contexte, ce qui peut à son tour offrir des avantages dans des projets ultérieurs ».
Les salariés ne sont pas les seuls à être visés
Les collections d'œuvres d'art des entreprises peuvent également profiter au public amateur d'art. Dans le cadre de leurs mandats de responsabilité sociale, les entreprises mettent souvent leurs collections à la disposition du public, soit temporairement, par le biais d'expositions dédiées dans des musées ou de prêts d'œuvres individuelles à des musées, soit de manière permanente, par exemple en faisant don d'œuvres d'art à des hôpitaux.
La collection UBS Art, par exemple, prête souvent ses œuvres réalisées par des artistes tels que Jean-Michel Basquiat, Lucian Freud et Roy Lichtenstein pour des expositions dans des musées ; en 2005, sa collection a également fait l'objet d'une exposition dédiée au Musée d'Art moderne. De même, un conglomérat industriel turc utilise ses bureaux comme musée le week-end et invite le public à y admirer les œuvres de sa collection. La Fondation Louis Vuitton a été ouverte au public en 2014 ; elle compte des centaines d'œuvres d'art – toutes réalisées au cours des 120 dernières années – appartenant soit à LVMH, soit à son PDG Bernard Arnault. Enfin, en 2019, la Banca Monte dei Paschi di Siena a régulièrement ouvert au public sa collection jusqu'alors très secrète et inaccessible.
Depuis les années 1950, période à laquelle David Rockefeller a créé le modèle qui s'applique encore largement aujourd'hui, les collections d'œuvres d'art d'entreprises et leurs acheteurs ont joué un rôle de plus en plus important dans le lancement de la carrière d'artistes émergents et dans la définition des tendances esthétiques. Dernièrement, cela s'est traduit par une reconnaissance croissante du rôle vital que jouent l'art et la communauté artistique dans la société civile, qui s'explique notamment par l'influence grandissante des entreprises technologiques et la profondeur de leurs coffres. Et bien qu'il existe une incertitude considérable quant à l'évolution de la pandémie de COVID-19, il est possible qu'elle ait un « bon côté » avec un engagement encore plus avancé du soutien des entreprises aux artistes.
Pour sa part, É«¶à¶àÊÓÆµse réjouit de parrainer une fois de plus le prix AXA Art en collaboration avec la New York Academy of Art. Le prix AXA Art, qui en est à sa troisième édition, est un concours artistique évalué par un jury qui met à l'honneur et défend l'art figuratif d'artistes émergents. (Les éditions 2018 et 2019 comportaient également une exposition itinérante qui a malheureusement été laissée en suspens pour cette année.) Le Prix est ouvert aux étudiants de premier cycle et aux diplômés en art des facultés des beaux-arts des établissement universitaires américains ; les participations sont limitées aux peintures figuratives, dessins ou impressions. À l'heure actuelle, le jury a sélectionné les 40 finalistes et le lauréat et le deuxième prix seront annoncés en septembre.
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